Historique
Le savon a été inventé en Syrie il y a environ 3 000 ans, avec de l'huile d'olive et de la soude végétale. Ce savon était particulièrement réputé pour ses propriétés désinfectantes, dues principalement à l'usage de cendres de laurier dans sa fabrication.
Produit de nettoyage connu en Europe depuis l'époque gauloise, il était alors fabriqué à partir de cendres (alcalines) et de suif, mais servait uniquement de shampooing.
C'est à Gallipoli, ville portuaire sur la mer Ionienne, dans le Sud de l'Italie, que devrait être attribuée l'origine du savon dit de Marseille. Grâce à ses nombreuses oliveraies et à ses multiples pressoirs souterrains (frantoi ipogei), le Salento commercialisait dans toute l'Europe une huile d'excellente qualitée, destinée principalement à l'éclairage des villes et des fabriques textiles, mais aussi à un usage alimentaire. L'idée d'ajouter de la soude aux restes des olives qui venaient d'être pressées une première fois permit aux habitants de Gallipoli de fabriquer des savons blancs et de diversifier durablement leurs activités.
À partir du XVe siècle, la région de Marseille devient un centre de production important, utilisant l'huile d'olive locale. La soude (à l’époque le mot « soude » désignait le carbonate de sodium) provient d'abord des cendres obtenues par la combustion de plantes comme la salicorne. En 1791, Nicolas Leblanc invente un procédé permettant d'obtenir de la soude à partir d'eau de mer.
En 1823, le chimiste français Eugène Chevreul explique la réaction de saponification et démontre que les corps gras sont formés d’une combinaison entre le glycérol et des acides gras. Au XIXe siècle, des huiles de coprah et de palme venant d'outre-mer sont employées dans les savons.
Depuis le XXe siècle, le savon est concurrencé par les tensioactifs synthétiques qui sont utilisés dans les détergents, les gels douches (Dop, Axe) et les « savons sans savon ».
Ses multiples emplois (toilette corporelle, shampoing, mousse à raser, lessive, vaisselle, entretien des sols et des sanitaires… jusqu'à la lutte contre les pucerons) seront la cible de produits “modernes” plus spécialisés, discutables tant par leur impact écologique (par la production, les emballages et la pollution des eaux usées) que par leur innocuité (risques d'allergies dûs à la multitude de composants nouveaux) et même d'efficacité. Ainsi, pour la toilette corporelle, les produits “sans savon” se sont installés sur la croyance en l'effet déshydratant du savon (certains savons, par exemple à la glycérine, respectent pourtant particulièrement bien l'épiderme). Il est remarquable que dans ces produits le savon est remplacé par le Laureth sulfate de sodium (nommé sodium laureth sulfate dans les compositions) qui n'est pas sans inconvénients (voir la rubrique de ce produit).
La saponification
Le savon résulte d'une réaction chimique dite de saponification, transformation chimique au cours de laquelle des corps gras (graisses ou huiles) sont hydrolysés en milieu alcalin par une base, généralement de la potasse (Hydroxyde de potassium - KOH) ou de la soude (NaOH)), à une température comprise entre 80 et 100 °C. L'hydrolyse des corps gras produit du glycérol et un mélange de carboxylates (de sodium ou de potassium) qui constituent le savon. Les savons fabriqués à partir de soude sont durs. Les savons fabriqués à partir de potasse sont mous.
Réaction de saponification :
CH2(OOC-R) - CH(OOC-R) - CH2(OOC-R) + 3 NaOH –> CH2OH - CHOH - CH2OH + 3 R-CO2-Na
soit : corps gras + NaOH (ou KOH) –> glycérol + savon,où R est une chaîne d'atomes de carbone et d'hydrogène. On peut avoir par exemple R=(CH2)14 - CH3
Propriétés
Le savon est un tensioactif. Les propriétés détergentes des molécules de carboxylates R-CO2-Na sont dues à leur amphiphilie : elles se présentent sous la forme d'une longue chaîne dont une extrémité, polarisée négativement, est hydrophile tandis que l'autre extrémité est lipophile. Cette dernière se fixe donc facilement sur les graisses, l'autre restant en contact avec l'eau de rinçage.
Lors de la toilette, le savon dissout la graisse constituant le film hydrolipidique qui recouvre la peau. La graisse est entraînée dans l'eau avec les saletés qu'elle contient. L'inconvénient est que le film hydrolipidique sert à protéger la peau et à retenir son eau. Le savonnage — ou tout lavage à l'aide de produits comportant des tensio-actifs, par exemple les gels pour la douche ou les lessives — fragilise donc la peau, jusqu'à ce que le film hydrolipidique se reconstitue, au bout de plusieurs heures.
Le savon est basique. Son pH est proche de 10. Lors de la toilette, il perturbe l'acidité de la peau (dont le pH est proche de 5).
Dans une eau dure, les molécules du savon réagissent avec les ions calcium et forment des dépôts de sels de calcium. De plus, on a besoin d'une plus grande quantité de savon pour nettoyer. Pour éviter ces inconvénients, on ajoute aujourd'hui aux savons des agents anticalcaires comme l'EDTA.
Composition
Composition de base
Les matières premières pour fabriquer du savon sont les matières grasses et la soude (ou la potasse). Mais après la réaction de saponification, le savon fini ne contient plus de soude ni d'huile. Il est constitué principalement de carboxylates de sodium (qui sont les molécules de savon) et contient aussi de l'eau.
La glycérine (ou glycérol) est un sous-produit de la saponification que l'on peut éliminer. Mais on laisse parfois la glycérine car elle apporte ses propriétés hydratantes au savon.
Principales matières grasses utilisées
Le tableau suivant liste les matières grasses qui sont le plus souvent utilisées lors de la fabrication des savons.
matière grasse (huile ou graisse) | nom INCI de la matière grasse | nom INCI (valables pour l'Amérique du Nord) des molécules de savon obtenues (1) |
suif (graisse de bœuf) | Adeps Bovis | Sodium Tallowate |
saindoux (graisse de porc) | Adeps Suillus | Sodium Lardate |
huile d'arachide | Arachis hypogaea | Sodium Peanutate |
huile d'olive | Olea europaea | Sodium Olivate |
huile de coprah (noix de coco) | Cocos nucifera | Sodium cocoate |
huile de palme | Elaeis guineensis | Sodium Palmate |
huile de palmiste | Elaeis guineensis | Sodium Palm Kernelate |
(1) si le savon est un savon liquide fabriqué à base de potasse, il faut remplacer « sodium » par « potassium » dans les noms INCI.
Additifs
À la recette de base, on peut ajouter différents additifs selon l'effet recherché :
- des agents anticalcaires
- des conservateurs
- des colorants
- des parfums
- des agents surgraissants (huiles) pour fabriquer un savon surgras
- des agents hydratants comme le miel
- des abrasifs pour fabriquer un savon exfoliant
- des huiles essentielles extraites de plantes
- des ingrédients antiseptiques pour fabriquer un savon antibactérien
Sous sa forme la plus simple, le savon est un produit détergent totalement biodégradable. Mais les additifs, eux, sont souvent polluants.
Types de savon
Le savon se présente sous forme de bloc (pain), de poudre, de paillettes (lessives) et peut être vendu en solution (savon dit liquide).
Le Savon Azul e Branco est fabriqué au Portugal. Il est bleu et blanc-jaunâtre.
Le savon d'Alep, le plus ancien savon syrien, est à base d'huile d'olive et d'huile de laurier.
Le savon de Marseille traditionnel est préparé avec de l'huile d'olive et de la soude.
Le savon animal est souvent préparé avec du suif de bœuf.
Une savonnette est un petit pain de savon, de composition plus élaborée — présence de colorant, parfum, bactéricide ou autre additif — destiné à la toilette (hygiène corporelle).
Un savon surgras est enrichi en agents surgraissants, par exemple des huiles végétales. La présence d'huiles limite le dessèchement dû au savon qui enlève le film gras (film hydrolipidique) recouvrant naturellement la peau.
Le savon noir ou savon mou est obtenu à partir d'huile végétale et de potasse. Il était recommandé pour le nettoyage des carrelages. Il existe aussi du savon noir pour le corps.
Un savon sans savon, comme son nom l'indique, ne contient pas de molécules de savon. Appelé aussi pain dermatologique ou syndet (pour synthetic detergent), il est à base de tensioactifs synthétiques. Son pH est proche du pH de la peau.
L'industrie des lubrifiants utilise, pour la fabrication des graisses, des savons de lithium, de calcium, de magnésium ou encore d'aluminium.
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